Spectacle documentaire "Ça va nous?" à Aix-en-Provence

C’est un spectacle-enquête construit à partir d’un entretien que la metteuse en scène a mené avec l'héroïne principale en mars 2022. Le travail part de l'expérience intime de Corinne et questionne des ressources intérieures qu’elle a développées pour survivre. L’une d’elles est la culture d’une
liberté intérieure, en opposition aux nombreuses contraintes extérieures de la prison. Dans cette proposition artistique, la metteuse en scène souhaite “ouvrir” des portes, celles d’un espace que nous connaissons mal, l’espace pénitentiaire, afin de montrer à quel point la prison est un miroir de
notre société.
C’est un spectacle en duo dans lequel le corps, la voix, le son et la vidéo existent en friction les uns avec les autres.

Note d’intention :
À mes yeux, le contexte du centre pénitentiaire, et plus particulièrement le conditionnement des femmes et d’hommes est un aperçu étroit et fidèle de la société moderne dans laquelle nous vivons. Le “ici et maintenant” de la prison sur l’individu est un constant rappel de ce dont il est privé et de ce qu’il devra accepter, au quotidien, que cela lui paraisse juste ou non, nécessaire, ou tout-à-fait absurde. Une géométrie et un rythme contraignants et précaires semble régir ce lieu, ce qui a pour conséquence d'endommager profondément une compréhension du monde déjà fragile chez le détenu. Dès lors, la question sous-jacente ici est: comment celui ou celle qui se retrouvent entre quatre murs comprend et planifie son existence et son devenir? Et peut-être que les spectateurs se demanderont s’il ne se sentent pas eux-mêmes prisonniers…

Être un prisonnier signifie être conditionné pour toute la vie. Cela signifie oublier le mot "choix" pour toujours, et si ce n'est pas pour toujours, cela signifie par la suite devoir passer des années à tenter de retrouver cette capacité à choisir, et à la ressentir à nouveau. Être prisonnier, c'est oublier un acte physique aussi simple et trivial qu'ouvrir une porte, elles qui étaient jusqu’alors éternellement closes. Il n'est pas rare que les ancien.ne.s détenu.e.s passent des minutes devant leur porte d'entrée, la porte des toilettes ou la porte du magasin après leur libération en attendant que quelqu'un d’autre la leur ouvre enfin. “Quelqu'un”...

L’intention de ce travail serait donc de comprendre et de formuler ces choses dont l’homme ne peut être privé. Il s’agira de revivre le chemin de vie de Corinne, ancienne détenue, par des questions simples, objectives et subjectives, puisqu'il s’agit de théâtre documenté.